La théorie des pots de yaourt

Author

Djamila Akerkouch

Date Published

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Pourquoi être en couple appauvrit les femmes et enrichit les hommes

À l’approche du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, il est important de prendre du recul et de réfléchir à des solutions concrètes pour lutter contre les inégalités persistantes entre hommes et femmes.

Une des questions fondamentales demeure l’inégalité économique, et un concept innovant, la théorie des "pots de yaourt", soulève une problématique méconnue : comment le couple, loin d’être un lieu de partage et de solidarité, peut contribuer à appauvrir les femmes tout en enrichissant les hommes.

Le concept des pots de yaourt : Une réalité invisible

La théorie des "pots de yaourt" de Titiou Lecoq met en lumière un aspect souvent ignoré des inégalités économiques au sein des couples : la manière dont les responsabilités financières sont réparties. Dans cette dynamique, le partenaire à revenu plus élevé (souvent l'homme) prend en charge les grandes dépenses du ménage, comme la maison, la voiture, les loisirs ou les vacances, tandis que l'autre, souvent la femme, s'occupe des petites dépenses quotidiennes. Ces petites dépenses, qualifiées par Lecoq de "pots de yaourt", incluent principalement les courses, les produits du quotidien, et les dépenses liées aux enfants.

Le terme "pots de yaourt" symbolise ces petites sommes qui, à première vue, peuvent sembler insignifiantes. Mais cumulées sur le long terme, elles révèlent un déséquilibre profond. Bien que la femme puisse dépenser moins, elle se retrouve souvent dans une situation où son pouvoir financier est limité à ces petites transactions, et donc, elle n'a pas un contrôle égal sur le patrimoine du couple. Cela crée une forme de dépendance, car elle gère une part disproportionnée de l'organisation de la vie quotidienne, mais sans bénéficier de la même reconnaissance ou des mêmes ressources financières.

Cette situation a des conséquences non seulement sur l’équilibre du couple, mais aussi sur l’indépendance financière des femmes. Lorsqu’une séparation survient, la femme se retrouve souvent dans une position de précarité, avec peu de patrimoine ou d’épargne accumulée, malgré le fait qu'elle ait contribué activement à la gestion du foyer. En effet, les dépenses quotidiennes liées aux courses ou à l’éducation des enfants ne laissent pas de place à l'épargne ou à l'accumulation de biens matériels. Cette inégalité se traduit donc par une absence de ressources et un déséquilibre patrimonial, souvent accentué par l’interruption de carrière liée à l’éducation des enfants.

Les femmes sont souvent contraintes de réduire leur activité professionnelle pour s'occuper des enfants, ce qui, en plus de limiter leurs revenus, les empêche d’accumuler un patrimoine propre. Ce manque de patrimoine, en particulier après une rupture, peut les laisser dans une situation économique fragile, souvent sans épargne ou bien immobilier à leur nom.

En France, cette réalité est particulièrement frappante chez les mères célibataires, près de 39 % d'entre elles vivant sous le seuil de pauvreté. Les femmes, en particulier celles issues de milieux populaires ou vivant dans des régions comme les Hauts-de-France, sont davantage exposées à cette précarité économique. Les inégalités économiques ne se limitent donc pas à la simple différence de salaire, mais s'étendent également à la répartition des responsabilités financières et à la manière dont les ressources sont gérées au sein du foyer.

8 mars : L’occasion de sensibiliser à la véritable égalité

À l’approche du 8 mars, de nombreuses entreprises et individus se préparent à célébrer la Journée internationale des droits des femmes avec des gestes symboliques : des fleurs, des cartes, des messages de bienveillance. Bien que ces gestes soient appréciés, ils restent insuffisants face aux véritables enjeux. Offrir des fleurs, c’est bien, mais cela ne résout pas les inégalités profondes qui traversent notre société et les relations personnelles.

Les inégalités économiques entre les hommes et les femmes dans le couple ne peuvent être réduites à de simples symboles. Au contraire, il est essentiel de comprendre les causes profondes de ces inégalités et d’y répondre par des actions concrètes.

Dans son livre, Titiou Lecoq appelle à "déconjugaliser" les finances, c'est-à-dire à repenser la répartition des tâches économiques et domestiques dans le couple. Cette idée de déconjugalisation est d’autant plus pertinente que les femmes sont souvent reléguées à un rôle secondaire au niveau économique, bien qu’elles participent activement à la gestion du foyer et de la famille.

Et si vous sensibilisiez vos collaborateurs aux inégalités financières ?

Plutôt que de vous lancer dans l’achat de fleurs ou dans des gestes symboliques, pourquoi ne pas profiter de cette journée pour sensibiliser vos collaborateurs aux véritables enjeux de l’égalité économique ? Les entreprises ont un rôle à jouer en facilitant l’égalité salariale, en encourageant la répartition équitable des tâches domestiques au sein du foyer, et en soutenant l’indépendance financière des femmes.

La Journée des droits des femmes devrait être un moment pour réfléchir à des solutions concrètes, comme la mise en place de politiques favorisant l’égalité des salaires, des formations sur la gestion financière, ou encore des initiatives visant à alléger la charge mentale des femmes. Les actions entreprises par les entreprises et les individus peuvent véritablement faire la différence en soutenant une égalité réelle entre les sexes.